Featured Video Play Icon

Du complotisme hardcore sur une chaîne de service public

On a coutume de cibler les fantasmes de complot dont usent et abusent les fachos sur les réseaux pour créer de la confusion et attiser les peurs et les haines.
Mais la fachosphère et les sectes New Age n’ont pas le monopole du complotisme.

Des éditocrates ayant leur rond de serviette dans tous les médias depuis des lustres peuvent eux aussi propager des fantasmes de complot tout aussi pétés que ceux de Kevin Conspi sur Facebook ou de Jennifer CuculAnon sur TikTok.

Ainsi, suite aux révélations faites par Médiapart sur un scandale de favoritisme impliquant le ministre macroniste Olivier Dussopt, ce sont ni plus ni moins que Nathalie Saint-Cricq et Jean-Michel Aphatie qui ont joué sur France 5 (donc sur le service public financé par nos impôts) les complotistes de bas étage. La première a ainsi osé dire que le timing de l’affaire Dussopt « est assez étonnant quand-même », tandis que le second trouvait que « la fuite est opportune ».

Alors même que sur Twitter, Antton Rouget, l’un des auteurs de l’enquête de Médiapart, rappelait que les premières révélations de son média dataient de 2020, et qu’au terme de deux ans d’enquête du Parquet National Financier, Olivier Dussopt et, au-dessus de lui, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron, ne pouvaient pas ignorer que la nouvelle de ces soupçons contre le ministre du Travail allait « tomber », Jean-Michel Aphatie s’enfonçait même encore dans le conspirationnisme halluciné en affirmant que cette information tombant « 48h avant la discussion parlementaire sur les retraites, c’est quand-même too much ».

Quoi ? Il existerait une vaste conspiration impliquant la justice pour faire mettre en difficulté ce ministre juste avant le débat sur le projet de casse des retraites dont il est porteur ? Il y aurait donc une sorte « d’Etat profond » gauchiste capable de planifier deux ans d’enquête afin que l’affaire sorte juste à point pour aider le mouvement social de défense des retraites ?

Oubliez les chemtrails, les reptiliens sataniques et les vaccins nous injectant des puces en 5G des conspifafs habituels. Ces fantasmes de complot ne sont rien par rapport à ça. Même ce pauvre Jean-Michel Blanquer qui avait essayé de justifier le plantage des serveurs des outils numériques de l’Education nationale pendant le confinement par une attaque de hackers russes était petit bras à côté.

Croivez pas tout qu’est-ce qu’on vous dit. Nathalie et Jean-Michel sachent.

Autopsie matérialiste de la « pensée rapide » en mode QAnon

Dans Q comme complot, Comment les fantasmes de complot défendent le système, paru en 2022, Wu Ming 1, membre du collectif italien Wu Ming nous propose une passionnante étude de la généalogie et des ressorts de QAnon, ce mouvement né dans l’extrême-droite trumpiste qui a essaimé sur la planète à la faveur de la pandémie de COVID 19, et qui a contaminé jusqu’à d’éminentes personnalités de la gauche radicale française qui ont gobé à cette occasion les plus grossiers fantasmes de complot antivax.

Un passage du livre est particulièrement éclairant. Nous le reproduisons ici en invitant nos lecteurs et lectrices à aller lire le reste.

« Les idées d’un croyant en QAnon ou en d’autres fantasmes de complot étaient sans aucun doute irrationnelles dans leurs contenus, fondées sur des connexions absolument illogiques, mais la manière dont elles se formaient suivait des logiques précises. C’était le résultat de la façon de fonctionner de notre cerveau dans certaines conditions. (…)

En présence d’une stimulation, les fonctions du cerveau paléomammalien, et en particulier de l’amygdale, étaient les premières à entrer en jeu, puis venait le tour du cortex préfrontal. Ce dernier intervenait pour examnier les signaux d’alarme, réguler les émotions, nous faire raisonner. C’est sur cette base que le psychologue Daniel Kahneman avait introduit la distinction entre la pensée rapide du système limbique (émotionnel, impulsif, automatique) et la pensée lente du cortex préfrontal (analytique, prudent, contrôlé).

La pensée rapide nous avait permis de survivre en tant qu’espèce. Polidoro, dans son livre Il mondo sottosopra, écrivait : “Nos ancêtres qui vivaient dans la savane faisaient face aux lions, aux panthères et à d’autres menaces à leur survie, ils ne pouvaient pas se permettre de trop réfléchir. Il fallait décider vite si la silhouette sombre qu’on voyait dans les feuilles était un prédateur ou seulement un jeu d’ombre et de lumière : ne pas le faire pouvait signifier l’extinction. Il vaut donc toujours mieux fuir… plutôt que de s’arrêter pour vérifier.”

Sauf que le cerveau humain tendait aussi à fonctionner de cette manière dans un contexte très différent : la société capitaliste — complexe et en overdose d’informations — du XXIe siècle. Dans les moments de stress, de peur ou de colère, cela menait à commettre des erreurs, à prendre de mauvaises décisions ou à exprimer des jugements injustes avant que ne puisse intervenir la pensée lente. Nombre de préjugés ou biais qui conditionnaient nos vies découlaient de cela.

Ces dernières années, le court-circuit entre le flux continu et anxiogène des breaking news — très souvent bad news — et les algorithmes des réseaux sociaux qui poussaient à des réactions immédiates avait renforcé nos biais et avait non seulement accru la fréquence des erreurs, mais aussi accéléré leur propagation.

L’urgence COVID avait aggravé la situation. Avant les confinements, pour beaucoup d’entre nous, passer tout notre temps éveillé en ligne aurait été impossible, voire inconcevable. Il y avait des limites, des poteaux bien enfoncés dans le terrain : le travail ou l’école, le sport, les êtres chers, la compagnie des amis, les relations à entretenir… A la fin de l’hiver 2020, l’urgence avait déterré ces poteaux et, pendant de longs mois, la réclusion domestique, le bombardement de mauvaises nouvelles et l’impérieuse logique des réseaux sociaux avaient titillé notre pensée rapide, nous incitant à hausser de plus en plus le ton et à faire des choix catégoriques sans prendre le temps de réfléchir un instant.

Que se passait-il dans le cerveau de quelqu’un qui cédait à un fantasme de complot, que se passait-il lorsqu’il glissait dans le terrier du lapin ? (…)

Continuer la lecture de Autopsie matérialiste de la « pensée rapide » en mode QAnon

Le confusionnisme d’Etienne Chouard, Episode 1

Dans ce petit montage, nous décryptons une interview dans laquelle Chouard, sous prétexte de s’expliquer sur Soral, s’enfonce et raconte n’importe quoi sur Walter Hallstein, l’UE et les nazis en se fondant sur les élucubrations d’Asselineau et d’un certain docteur Rath. Un grand moment de novlangue confusionniste.

Erratum : des internautes nous ont fait remarquer que Chouard avait parlé du « livre » de Rath bien avant la mise en ligne de la vidéo d’Asselineau ; il semblerait donc que Chouard n’ait pas eu besoin d’Asselineau, contrairement à ce que nous laissons entendre, pour tomber dans le même panneau que lui, ce qui ne change rien au fond de l’affaire.

Ariane Walter, moins rouge que brune

Ariane Walter est une blogueuse qui a su se tailler une certaine audience dans les milieux de gauche via ses publications sur son blog Mediapart (délaissé depuis septembre 2014) ou Agoravox (plateforme devenue un repère de conspirationnistes :http://www.streetpress.com/sujet/41152-agoravox-vie-et-mort-d-un-site-de-journalisme-citoyen-a-la-francaise#), ou sur sa page Facebook.  Continuer la lecture de Ariane Walter, moins rouge que brune

Contestation du Spectacle ou spectacle de la contestation ?

Sur internet et les réseaux sociaux, les pseudo-dissidents d’extrême-droite et autres adeptes de « ré-information » conspirationniste ont pour habitude d’ériger leurs médias mensongers favoris en alternative unique aux médias dits mainstream accusés de cacher les « vérités qui dérangent ». Continuer la lecture de Contestation du Spectacle ou spectacle de la contestation ?

Nos observations sur Alain Benajam qui nous observe quand nous observons Ariane Walter

L’Observatoire des Réseaux compte parmi ses lecteurs un personnage inattendu : le conspirationniste Alain Benajam, président du Réseau Voltaire France, dont nous avions déjà évoqué dans un précédent article le soutien au très confusionniste « mouvement du 14 juillet ». Il nous est effectivement revenu qu’Alain Benajam avait commenté le 9 juillet 2015 sur son mur Facebook notre article relatif à la dieudonniste Ariane Walter. Mais, emporté par sa propension à interpréter le réel selon ses lubies complotistes, il s’est laissé aller à quelques affirmations ridiculement mensongères à notre sujet : d’après lui, nous serions des « suppôts de l’oligarchie », en « adoration » devant « l’impérialisme », répétant un argument « venant certainement de plus loin au-delà de l’océan ». Continuer la lecture de Nos observations sur Alain Benajam qui nous observe quand nous observons Ariane Walter