Franck Lepage, de la dérive en parapente au hold-up en charentaises

Nous n’avons rien à redire au travail de Franck Lepage dans les domaines de l’éducation populaire, du décryptage de la langue de bois du capitalisme néolibéral, du soutien à la socialisation du salaire et à l’abolition de la propriété lucrative portées notamment par Bernard Friot…
Bien qu’ayant plusieurs fois critiqué le dangereux confusionnisme d’Etienne Chouard, nous n’avions jamais jusqu’ici critiqué la proximité affichée par Franck Lepage avec l’as du parapente, du citoyennisme all inclusive, et des hurlements contre les « talibantifas » (en chœur avec des canailles comme le nazi demi-mondain Soral ou le visqueux nationaliste Asselineau). Lepage avait d’ailleurs naguère assuré le service minimum en expliquant à Saint Etienne que « Soral, c’est un piège ». On pouvait même comprendre que, sans cautionner son confusionnisme crasse, il conservât quelque indulgence amicale envers son pote de parapente. On avait même évité de commenter leur tournée commune de février 2020. C’est dire si nous avons voulu rester bienveillants.


Mais les dernières interventions de l’idole des retraités du secteur social via l’organe du soft power poutinien nous posent problème.



Dans une émission du 25 novembre 2020 sur RT, Lepage ose effectivement demander à propos de la pandémie de coronavirus : « La question qui se pose, c’est : est-ce que les raisons de ce confinement sont bien celles qu’on nous dit ? Est-ce que ce sont des raisons sanitaires ? »

Ensuite, Lepage pointe les conséquences selon lui du confinement : l’économie à plat, « des gens qui se suicident », mais aussi « des cancers du sein chez des femmes qui doivent attendre 7 mois un dépistage ».

Pourtant, aucune hausse des suicides n’a réellement été observée depuis le confinement, selon Le Monde. Ce qui est à craindre, c’est plutôt une hausse des suicides dus aux conséquences à venir de la crise économique, dont le confinement est un facteur aggravant, bien sûr, mais qui pourrait être compensé par des mesures politiques et sociales, mesures qu’évidemment le gouvernement de droite de Macron ne prendra jamais assez, car cela nécessiterait une socialisation massive de l’économie. Mais pour le coup, ce n’est pas le confinement lui-même qui risque de causer des suicides, mais la politique néolibérale de Macron.

D’après Axel Kahn, le président de la Ligue contre le cancer interrogé par Europe 1 :

« Cette année, du fait de la crise sanitaire de la Covid, il y a un retard considérable dans le diagnostic des cancers en général, et plus particulièrement des cancers du sein. Durant cette période de confinement, sur les trois mois, il n’y a eu que la moitié des diagnostics de cancer auxquels on s’attendait (…) Par conséquent, alors que des retards de diagnostic de deux, trois mois ne doivent pas porter à conséquence normalement, on en est maintenant sans doute dans certains cas à des retards de cinq, six mois ».


C’est donc un vrai problème, certes, imputable au confinement. Cela dit, des hôpitaux ont aussi fait revenir des patientes dès le mois de juin pour compenser, et les retards de 7 mois ne sont peut-être pas une norme, contrairement à l’exemple catastrophiste brandi par Lepage.

Affirmer comme il l’ose que « le résultat du confinement est probablement plus grave que le covid lui-même » est donc pour le moins contestable.

S’ensuit une tirade sur la létalité et la mortalité du virus, qui, selon Lepage, n’aurait pas nécessité de confiner la population, car « 99,5% des gens guérissent ». Avec le même genre de logique, on pourrait dire par exemple que la deuxième guerre mondiale n’a tué que 2,5% de la population mondiale de l’époque et en conclure qu’il n’y avait vraiment pas de quoi en faire un plat. Quand on sait que 100% des gens finissent par mourir de quelque chose, qu’est-ce que c’est qu’une guerre qui ne tue que 2,5% d’entre eux ? Et qu’est-ce donc qu’un virus qui ne tue que 0,5% des malades ?
Oui mais non. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la covid 19 a tué plus de 50000 personnes en France et près d’un million et demi dans le monde, malgré des mesures drastiques adoptées sur quasiment toute la planète (à des degrés divers), mesures sans lesquelles, n’en déplaise à Franck Lepage, le bilan aurait été beaucoup plus lourd. Une étude estime en outre que les morts de la covid 19 aux Etats-Unis auraient perdu en moyenne plus d’une décennie de durée de vie.

Par ailleurs, Franck Lepage prétend que les malades de la covid 19 qui guérissent « s’en sortent sans aucun problème ». Il néglige du coup l’ensemble des malades qui, certes, survivent à la maladie, mais non sans avoir connu des « problèmes », justement. Certains, même, gardent de graves séquelles. Des patients atteints de « covid long » luttent par exemple pour faire reconnaître ce qu’ils vivent. En Corée, une étude évoque des séquelles persistantes (fatigue, difficultés de concentration, troubles psychologiques ou neurologiques, perte du goût ou de l’odorat…) pour une proportion très importante de malades. Les séquelles pulmonaires (peut-être limitées) ou cardiaques sont toujours mal connues. Décidément, le camarade Lepage va vite en besogne, d’autant qu’il n’hésite pas, péremptoire, à conclure : « probablement que la raison du confinement n’est pas une raison sanitaire ».


Et bizarrement, Lepage s’appuie sur un argument qu’on pourrait tout aussi bien lui opposer : « ça se passe mondialement ». En effet, puisque le phénomène est mondial, l’explication la plus plausible du fait que nombre de pays, y compris ceux qui s’y refusaient le plus au départ (comme le Royaume-Uni), y compris des pays peu suspects de zèle capitaliste (comme Cuba), se soient résolus à des formes de confinement, au détriment de l’économie… n’est-elle pas que ce confinement a bien été jugé nécessaire pour des raisons sanitaires ? Sinon, quelles raisons pouvait bien avoir Boris Johnson de déplaire au patronat anglais ? Imagine-t-on un seul instant que Cuba ait confiné à nouveau La Havane durant le mois de septembre pour plaire à un capitalisme mondial qui lui mène la vie si dure depuis 1959 ?


Lepage, ne voyant pas la contradiction qu’il énonce lui-même, reste sourd aussi au contre-argument de Taddéi qui lui réplique qu’en France, il y a 20 millions de personnes à risque auxquelles le confinement a peut-être sauvé la vie.


« Y a pas d’études qui permettent de dire que le confinement ou même le masque auraient eu le moindre effet » affirme doctement Lepage. Mais c’est faux : il existe plusieurs études, sur l’homme et sur l’animal, à propos des masques. Aucune ne constitue une preuve irréfutable, certes, mais l’ensemble mis bout à bout constitue tout de même un large faisceau d’indices. Quant au confinement, son efficacité a également été montrée par plusieurs études, notamment une de l’Institut Pasteur.


Lepage se dit également surpris par « la rapidité » avec laquelle tout le monde a confiné. Là aussi, son affirmation est contredite par la réalité. On sait aujourd’hui par les confidences maladroites d’Agnès Buzyn que le gouvernement était alerté depuis janvier des risques de pandémie. L’OMS a déclaré l’état d’urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier 2020 puis a officialisé l’état de pandémie le 11 mars et préconisé des mesures pour éviter la saturation des systèmes hospitaliers. La France n’a alors appliqué aucune de ces mesures, et a tardé à confiner, laissant même se dérouler le 15 mars le premier tour des élections municipales alors que l’Italie avait déjà confiné le 9 mars et l’Espagne le 15. La France, elle, n’a confiné que le 17. L’Angleterre n’a confiné que le 24 mars, après avoir dû renoncer contrainte et forcée à la stratégie de l’immunité collective. Les Etats-Unis, actuellement en pleine 3ème vague, paient le prix de l’absence de mesure fédérale.

Lepage se met au niveau Bigard en glosant sur le fait qu’on a confiné les Côtes d’Armor alors qu’il n’y avait « qu’un cas ». Sophisme assez honteux, parce que bien évidemment, un cas décelé à un moment où on ne disposait pas de possibilités de dépistage massif, ça pouvait signifier de nombreux autres cas non détectés, et il s’agissait bien d’empêcher que des clusters se forment dans des régions encore pas trop touchées. Si on attend qu’il y ait des centaines ou des milliers de cas identifiés pour réagir, c’est trop tard. Ajoutons que la Nouvelle-Zélande n’a pas hésité, elle, à confiner partiellement sa capitale le 12 novembre pour un seul cas détecté. Ce n’est peut-être pas un hasard si ce pays est un de ceux qui ont su le mieux maîtriser l’épidémie. Les sarcasmes de Lepage sur les Côtes d’Armor tombent donc d’autant plus à plat.
A un autre moment de l’émission, Lepage se laissera encore aller à ce genre de brève de comptoir en évoquant « des petits vieux qui conduisent avec leur masque », comme si le fait qu’un « petit vieux » oublie d’enlever son masque dans sa voiture avait une signification quant à l’utilité globale des masques.

Katia Lang, la partenaire de Lepage au sein du collectif L’Ardeur reste dans le même registre à propos du masque imposé aux enfants dès 6 ans : « qu’est-ce qui peut justifier ça ? »
Lepage venait pourtant de concéder un « on n’est pas médecin » qui aurait pu l’inciter à la prudence. Certes, la question de la transmission du virus par les enfants fait débat dans la communauté scientifique, mais des études, notamment en Inde sur 85000 cas, peuvent justifier le principe de précaution.
Katia Lang souligne aussi que les enfants ne peuvent porter le masque tout le temps : impossible pour le sport, à la cantine… On mesure bien l’impossibilité de conserver le masque en mangeant. Mais là aussi, il s’agit de comprendre qu’on est dans une logique de diminution des risques. Si on n’enlève son masque qu’à la cantine, on est moins exposé que si on n’en porte jamais.
Tout le discours de Lepage et Lang sur « l’analyse systémique » ne vise en fin de compte qu’à nier les nombreuses données sanitaires pour construire la thèse d’un confinement qui n’aurait aucune justification sanitaire mais servirait un dessein secret : c’est ce qu’on appelle communément le complotisme, et on n’entend par là non pas l’épouvantail brandi par les défenseurs du pouvoir pour discréditer toute critique des mensonges du pouvoir, mais bel et bien un recours systématique et abusif à la thèse du complot comme facteur explicatif des événements.

On n’aura évidemment rien à redire sur la critique de la marchandisation et de la destruction des services publics effectuée par Lepage, et il est évident que les capitalistes et leurs valets gouvernementaux peuvent profiter de la pandémie pour avancer dans leur agenda néolibéral. Mais il va trop loin lorsqu’il affirme qu’il faut une « raison supérieure » pour faire accepter cela aux populations, et que cette raison supérieure, « c’est un coronavirus ». Cette formulation laisse entendre que la pandémie serait l’étape d’un plan. Les Illuminati reptiliens sataniques frappent déjà à la porte.

Alors que Taddéi, goguenard, fait mine de s’étonner de cette théorie du complot capitaliste derrière une pandémie qui oblige les gouvernements même les plus libéraux à soutenir l’économie et verser des allocations chômage, tandis que les échanges sont bloqués et que nombre de capitalistes perdent de l’argent, Lepage brandit la notion de « grand reset » qu’il attribue à Christine Lagarde. Les réseaux d’extrême-droite, notamment trumpistes, se sont beaucoup excités sur ce « great reset ». En réalité, c’est un ensemble de vœux pieux pour plus de coopération, une sorte d’actualisation du green washing par lequel le capitalisme mondialisé essaie de se présenter sous un jour progressiste plus sympathique face à la détresse des populations qu’il ne faudrait quand-même pas laisser s’adonner à une remise en cause structurelle du capitalisme. Rien de nouveau sous le soleil, et certainement pas un plan concerté pour résorber la surproduction capitaliste en éliminant les plus faibles au profit des plus forts, contrairement à ce que laisse entendre Lepage (« on va mettre toute l’économie par terre et on va repartir sur des bases différentes »), qui, ironie du sort, reprend ici à son compte une théorie par laquelle les fachos voient à l’œuvre un complot communiste anticapitaliste. Heureusement qu’il précise ensuite qu’il n’y a pas de « gouvernement mondial », et que « les capitalismes » sont en concurrence les uns avec les autres. Mais du coup, il contredit à nouveau lui-même sa propre théorie du confinement planétaire qui serait causé non par des raisons sanitaires mais par le « grand reset ». Des capitalismes concurrents n’auraient jamais pu se mettre d’accord de façon synchronisée pour confiner… à moins d’y avoir été contraints par… des raisons sanitaires, justement. Il faut dire que contrairement à la misère, qui ne touche que les pauvres, le coronavirus peut tuer aussi de vieux capitalistes. « La gouvernance mondiale » qu’invoque Lepage (plutôt qu’un « gouvernement mondial ») nécessiterait un accord secret des multinationales pour obliger les gouvernements à confiner de façon simultanée afin de pouvoir procéder à « la grande réinitialisation ». Mais « ça c’est pas du complotisme », essaie-t-il de nous rassurer. Ben si, quand-même un peu.

Comme le fait malicieusement remarquer Taddéi, la concentration du capitalisme n’a pourtant pas eu besoin du coronavirus pour s’accomplir, au détriment des bistrots, des petits commerces, etc. Il y a bien un effet d’aubaine du coronavirus, qui sert de prétexte à des licenciements par des grands groupes. Mais rien ne permet de dire que le confinement planétaire n’aurait aucune raison sanitaire et serait fait pour favoriser la concentration du Capital et la diminution de la masse salariale.

Philippe Merlant, quant à lui, nous explique après Lepage que la qualification de complotisme est une manière fâcheuse de défendre des « vérités officielles » et prend la défense du film Hold-up sans jamais mentionner que ce film est une œuvre de désinformation réalisée par un illuminé proche du catholicisme le plus réactionnaire. Pas une seconde il ne prend la peine d’en critiquer les thèses, ce qui éclaire du coup singulièrement les propos de Lepage sur la covid 19 et le confinement : dans la même émission, on aura entendu Lepage prétendre que le confinement est motivé par autre chose que des raisons sanitaires, citer le « great reset » et minimiser le danger du virus, puis on aura entendu son pote Merlant prendre la défense de Hold up, un documenteur dont la thèse résumée est : “le Forum économique mondial de Davos se sert de la Covid-19 (maladie qui serait causée par un virus fabriqué par l’homme) dans le cadre d’un “plan global pour soumettre l’humanité”, appelé le “Great Reset”, visant à exterminer les plus pauvres et contrôler le reste de l’humanité via des nanopuces injectées via les vaccins et connectées par la 5G ”.


On ne peut que rejoindre Merlant lorsqu’il affirme que « la confusion sert bien les intérêts des puissants, des dominants », mais il est à déplorer que son propre discours en soit une illustration. Ainsi, quand Lepage se moque du fait que les médias aient mis en avant la présence de groupuscules néonazis dans les manifs anti-masques de Berlin, sous prétexte de dévoiler un mensonge des « médias mainstream » (dont on se doute bien que lors de la couverture d’une manif, ils vont aller chercher le scabreux plutôt que l’inoffensif, car il leur faut bien alimenter le spectacle), il ne fait qu’ajouter de la confusion à la confusion, passant complètement à côté du fait que ces manifs allemandes ont été organisées par des groupes (Widerstand 2020, Querdenken 711…) extrêmement poreux avec le parti d’extrême-droite AFD et imprégnés par les thèmes diffusés par la mouvance Q Anon.

Par exemple, Bodo Schiffmann, un des médecins de l’ACU (groupement de médecins anti-confinement), et acteur des manifs anti-masques, a été publiquement défendu par l’AFD.


Il ne semble pas en être membre lui-même, mais il était déjà impliqué dans les manifs d’extrême-droite contre le confinement en mai 2020. Selon un journal allemand  : « Avec ses thèses, Schiffmann est également extrêmement populaire parmi les théoriciens du complot corona. Entre autres choses, il a été invité à une interview de Ken Jebsen – un ancien présentateur de radio qui a diffusé toutes sortes de théories grossières et parfois antisémites sur YouTube depuis son expulsion de la RBB. Les vidéos de Schiffmann sont visionnées des centaines de milliers de fois. »
Il fait plus illuminé new age que facho proprement dit, de prime abord, mais : « La métaphore du “corps du peuple”, sur laquelle se fonde Schiffmann, était un concept central de la théorie raciale national-socialiste. »

La devise de la manifestation de Berlin dont parle Franck Lepage, «Jour de la liberté», est également le titre d’un film de la réalisatrice nazie Leni Riefenstahl sur la conférence du parti d’Adolf Hitler NSDAP en 1935.

Selon la chaîne allemande ZDF, « “Widerstand 2020 est actuellement un réservoir diffus : les ennemis de la science rencontrent des théoriciens du complot, des populistes de droite et des opposants de gauche anti-vaccination”, déclare Quent, qui dirige l’Institut pour la démocratie et la société civile à Jena. Il a analysé la présence en ligne de l’organisation. “Le contenu est particulièrement populaire dans les cercles de droite et, dans certains cas, antisémites”.
Dans un entretien avec le blog de droite PI News, le membre de l’AfD du Bundestag Hansjörg Müller a déclaré qu’il pouvait imaginer une coopération extra-parlementaire avec Wiederstand2020. “L’AfD tente de se faire l’avocat des manifestations”, estime le sociologue Quent. “Il reste à voir si Widerstand 2020 deviendra une concurrence pour l’AfD en 2020”, dit-il. » 

Moment de gêne quand Lepage interpelle « la gauche institutionnelle », accusée d’être silencieuse, et particulièrement la FI, pour lui dire que « l’objet aujourd’hui n’est pas de réclamer la gratuité des masques, c’est de réclamer l’abolition des masques dans la rue ». Certes, aucune donnée scientifique ne plaide en faveur de l’efficacité du masque dans la rue en dehors des zones de grande promiscuité. Cependant, selon Libération, « une étude chinoise publiée sur le réseau JAMA a montré, par exemple, qu’on se touche moins le visage quand on porte le masque en continu. Or, le fait de porter des mains infectées à son nez, ses yeux ou sa bouche est un mode de transmission reconnu du virus. Les experts ont donc tendance à espérer que porter le masque dehors incitera les gens à le garder davantage en milieu clos, là où le risque est plus grand. »
N’en déplaise à Lepage, le combat le plus urgent de la gauche est donc bien de réclamer la gratuité des masques et non l’abolition des masques dans la rue. Lutter contre les masques, c’est justement offrir sur un plateau au pouvoir de quoi disqualifier ses opposants comme complotistes. La confusion, décidément, est bien l’alliée du pouvoir.


Katia Lang, enfin, prend au pied de la lettre la propagande de Blanquer (« on est prêt ») pour y voir la preuve d’un plan caché en faveur de l’industrie du numérique. Alors qu’en réalité, les profs et les élèves ont pu mesurer lors du confinement et depuis lors que rien n’était prêt, justement, ni pour la « continuité pédagogique » à distance, ni pour l’accueil des élèves dans le respect du protocole sanitaire. Bien sûr, Blanquer et sa clique sont fascinés par le numérique auquel ils ne comprennent rien et prêts à offrir des contrats juteux à des prestataires privés (leurs copains) si ça peut leur permettre de dégraisser le mammouth et de se donner une image de modernistes, mais la pandémie les a complètement pris au dépourvu comme tout le monde et leurs discours sur la continuité pédagogique en distanciel avec le CNED s’est traduit en réalité sur le terrain par du démerdentiel : rien n’était prêt, rien ne fonctionnait, et une grande partie des élèves était dans l’incapacité de se connecter. Le distanciel n’a d’ailleurs pas du tout été favorisé lors du second confinement, où tout a été fait, au contraire, pour que les profs continuent à accueillir physiquement tous les élèves, en dépit de l’impossibilité d’appliquer le protocole sanitaire renforcé. Il a fallu que les enseignants se mettent en grève, utilisent le droit de retrait, et que des lycéens essaient de bloquer les lycées pour que le ministère concède enfin des aménagements.

Lepage avait déjà dérapé pas mal sur RT il y a quelques mois (« 400 morts par jour je sais pas ce que c’est »), et nous avait inquiété par des marques de soutien au charlatan Raoult durant l’été sur un célèbre réseau antisocial apprécié des boomers. Mais cette fois, avec ses deux acolytes, concluant sur « un petit virus qui ne fait pas tellement de morts », il semble vraiment avoir rejoint Chouard et son parapente aspirés par un castellanus confusionniste :

« Pour comprendre [Etienne Chouard], il faut comprendre comment il fait du parapente, tente d’expliquer Franck Lepage. Vous savez ce qu’est un castellanus ? C’est un nuage qui monte à huit kilomètres. Etienne est le seul mec que je connaisse qui y va volontairement et se fait aspirer là où l’oxygène commence à manquer. (…) Il a une absence totale de peur. »

Il est beaucoup question de refus de la « peur », chez les complotistes anti-masques.
Mais face à un danger réel, la peur est une défense plus utile que le déni. Selon la psychanalyste Claude Halmos :

« Certaines craintes aujourd’hui peuvent évoquer des mécanismes phobiques : peur du gluten, des vaccins… Au-delà de la réalité, elles indiquent que les gens se sentent menacés. Et ils ont raison. Parce qu’ils sont vraiment menacés. Mais ils se trompent d’ennemi. Car le plus grand danger ne vient pas pour eux du gluten ou de la viande rouge mais de la crise économique qui peut, demain, en les privant de leur travail et de leurs revenus, porter gravement atteinte à leur vie. Or personne ne les aide à prendre conscience que c’est cela qu’ils craignent : les politiques et les médias sont, sur cette question, muets. Alors les gens restent en proie à une angoisse diffuse et, faute de pouvoir prendre conscience de sa véritable origine, ils l’accrochent sur des objets possibles. (…)
À notre époque où l’éducation vacille, beaucoup d’enfants et d’adolescents manquent de repères parce que les adultes ne leur ont pas signifié clairement que certaines choses sont dangereuses. Et qu’en avoir peur (ce qui ne veut pas dire être terrorisé) est non seulement normal mais utile. Parce que la peur est un signal qui protège. Quand une jeune fille de 15 ans m’explique fièrement qu’elle prend seule, la nuit, le dernier RER pour rentrer dans une banlieue lointaine, je ne la félicite pas. Je lui explique que c’est dangereux… »

S’il veut vraiment faire une analyse systémique de la pandémie, dont le capitalisme essaiera évidemment de tirer avantage, Franck Lepage ferait bien de délaisser les élucubrations des Raoult, Perronne, Fouché & co et de s’appuyer sur des sources plus sérieuses, et nullement inféodées au capitalisme pharmaceutique, comme les analyses d’Alexander Samuel, gilet jaune et docteur en biologie moléculaire.

Eric Drouet, gilet jaune ou chemise brune ?

Le mouvement des « Gilets Jaunes » a été initié suite, notamment, à l’événement Facebook créé pour l’action de blocage du 17 novembre 2018 par un certain Eric Drouet, routier se présentant comme « apolitique ».

Nous ne prétendons pas ici effectuer une analyse politique ou sociologique du mouvement des Gilets Jaunes, ni couvrir d’opprobre un mouvement protéiforme dans lequel sont engagés aussi de simples citoyens, mais également des syndicalistes ou des militants de gauche aux revendications respectables.

Reste que le dénommé Eric Drouet devrait inspirer quelque méfiance aux syndicalistes et militants engagés dans les actions des gilets jaunes.
En effet, si celui-ci se déclare apolitique et n’affiche effectivement aucune appartenance partisane sur sa page Facebook, il y a déjà posté des publications anti-migrants assez typées.

Par exemple, le 13 juin, il relayait une publication demandant à Macron de « diminuer le coût de plusieurs milliards consacrés à l’immigration chaque année », coût qui serait « honteux » (on sait qu’en réalité l’immigration rapporte chaque année à la France en cotisations, impôts et autres taxes). Il s’agit bien là d’un vieux fantasme de l’extrême-droite xénophobe. Continuer la lecture de Eric Drouet, gilet jaune ou chemise brune ?

Discuter avec l’huppé air ?

Certains militants syndicaux ou engagés dans les luttes sociales pensent qu’on peut manifester sans sourciller avec l’UPR sous prétexte que « c’est la démocratie » ou que les militants de ce groupuscule nationaliste ni de gauche ni de gauche sont marginaux et qu’il ne faut pas faire attention à eux.

Lors des manifestations du 22 mars 2018 contre la casse des services publics, des militants de l’UPR se sont ainsi immiscés avec leurs banderoles dans le cortège syndical marseillais avant d’en être expulsés par des camarades.

Statut Facebook d’un militant de l’UPR

 

Nous n’allons pas revenir ici sur ce que représente politiquement l’UPR dont le fond de commerce consiste à mêler souverainisme et complotisme (voir par exemple le dossier des camarades Debunkers sur le hoax « Hallstein »). Pour celles et ceux qui auraient échappé au flooding des trolls de l’UPR sur les réseaux sociaux et ignoreraient encore tout de la pensée d’Asselineau, voir par exemple cette courte présentation par le vidéaste Usul de ce technocrate post-pasquaïen : Continuer la lecture de Discuter avec l’huppé air ?

L’alliance des confus

Le nationaliste pasquaïen Asselineau l’a annoncé sur la page Facebook de son groupuscule : il a le soutien pour l’élection présidentielle 2017 du confusionniste Etienne Chouard pourtant pas avare habituellement de diatribes contre le suffrage universel. Asselineau lui-même n’a d’ailleurs jamais semblé séduit par le fétichisme du tirage au sort si cher à Chouard (en dépit des apparences, cette phrase ne comporte pas de contrepèterie). Il serait vain de chercher une cohérence chez ces gens-là, de toute façon. La posture « anti-système » et les obsessions complotistes tiennent lieu de ciment. Nous avions déjà montré dans une vidéo que les deux larrons relayaient joyeusement le même hoax sur le premier président de la Commisssion européenne. La collusion dans la confusion désormais officielle n’est donc pas pour nous étonner.

Sapir, ça pue vraiment très fort

Le réseau Twitter permet, par la concision qu’il requiert, de saisir en un clin d’oeil l’ampleur de la dérive de l’économiste Jacques Sapir.

tweet de Sapir
Tweet (supprimé depuis) de Jacques Sapir (il n’assume pas encore complètement d’être devenu un gros réac ?)

Continuer la lecture de Sapir, ça pue vraiment très fort

La confusion qui s’étale

Les fascistes et les confusionnistes qui infestent le web et les réseaux sociaux ont de quoi exulter. Non seulement l’apolitisme et le « citoyennisme all inclusive  » qui se sont installés en bonne place dans le mouvement « Nuit Debout » leur ont permis de s’incruster dans des luttes sociales auxquelles ils n’ont jamais pris aucune part, mais ils viennent de recevoir une aide inattendue de la part d’un groupe « antifa ». En effet, dans un très indigeste dossier publié sur un site hébergé sur « antifa.net », Les Enragé-e-s, associés à Veille Extrême, Soliran Paris et Confusionnisme.info, s’efforcent, sous prétexte de s’attaquer à une prétendue « galaxie citoyenniste », de mettre dans le même sac des figures ou organisations de gauche aussi diverses que François Ruffin, Frédéric Lordon, Julien Bayou, Acrimed, Pierre Carles, Ballast, Usul, Bernard Friot, Franck Lepage, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Filoche, le couple Pinçon-Charlot, Hervé Kempf, Fakir, Julien Salingue, Eric Hazan, Julien Coupat… et des confusionnistes comme Etienne Chouard, voire des fascistes comme Alain Soral ! La parodie d’affiche qui annonce ce bal de la confusion trouve même le moyen d’inclure Marine Le Pen. En fait, c’est l’intégralité de la gauche opposée au gouvernement Hollande-Valls-Macron qui se retrouve ici amalgamée à l’extrême-droite. Continuer la lecture de La confusion qui s’étale

Ce royaliste nationaliste qui prétend s’incruster dans une lutte sociale

Depuis que Sylvain Baron a été prié fermement par la commission « Accueil et Sérénité » de « Nuit Debout » de ne pas venir perturber le collectif en lutte qui occupe la place de la République, ses défenseurs nationalistes, chouardiens et autres conspirationnistes hurlent à la « censure » contre « la liberté d’expression », comme si la liberté d’expression, c’était pouvoir dire n’importe quoi à n’importe qui à n’importe quel moment en n’importe quel lieu et sans tenir aucun compte du désir des destinataires de recevoir ou pas le message qu’un propagandiste veut leur imposer. Beaucoup arguent aussi sur les réseaux sociaux que Baron ne serait ni fasciste ni d’extrême-droite, qu’il serait même « de gauche », et exigent auprès de ceux qui le nient des preuves du contraire. Continuer la lecture de Ce royaliste nationaliste qui prétend s’incruster dans une lutte sociale

Le confusionnisme d’Etienne Chouard, Episode 1

Dans ce petit montage, nous décryptons une interview dans laquelle Chouard, sous prétexte de s’expliquer sur Soral, s’enfonce et raconte n’importe quoi sur Walter Hallstein, l’UE et les nazis en se fondant sur les élucubrations d’Asselineau et d’un certain docteur Rath. Un grand moment de novlangue confusionniste.

Erratum : des internautes nous ont fait remarquer que Chouard avait parlé du « livre » de Rath bien avant la mise en ligne de la vidéo d’Asselineau ; il semblerait donc que Chouard n’ait pas eu besoin d’Asselineau, contrairement à ce que nous laissons entendre, pour tomber dans le même panneau que lui, ce qui ne change rien au fond de l’affaire.

Ariane Walter, moins rouge que brune

Ariane Walter est une blogueuse qui a su se tailler une certaine audience dans les milieux de gauche via ses publications sur son blog Mediapart (délaissé depuis septembre 2014) ou Agoravox (plateforme devenue un repère de conspirationnistes :http://www.streetpress.com/sujet/41152-agoravox-vie-et-mort-d-un-site-de-journalisme-citoyen-a-la-francaise#), ou sur sa page Facebook.  Continuer la lecture de Ariane Walter, moins rouge que brune

La confusion qui s’installe

Essai de dialogue entre gauche réelle (réformiste comme révolutionnaire) et libertaires autour de la question du confusionnisme, et de la meilleure façon de le combattre, notamment sur les réseaux.

Au-delà de ce qui nous [1] a toujours sinon divisés, dans le pire des cas, du moins séparés, nous sommes décidés à maintenant établir un dialogue entre partisans du changement réel effectif. Pas contre nos organisations (pour ceux qui en ont une) ni contre nos idées. Nous avons plutôt décidé d’établir un dialogue contre l’attentisme (qui confine à l’immobilisme), le cloisonnement, l’atomisation et la décomposition qui nous ont vu naître dans une société capitaliste et qui risquent fort, si nous n’y faisons pas attention, de nous y laisser vivre jusqu’à l’épuisement. L’épuisement des ressources humaines, l’épuisement des ressources physiques du caillou sur lequel nous n’avons d’autre choix que de (sur)vivre.

Oui, la question de l’Etat, de la nation, de la souveraineté, de la conquête du pouvoir, de son contrôle ou de sa destruction, de la légalité et de la violence sont des points de clivage à gauche. Ils le sont depuis longtemps, et le resteront sans doute. Continuer la lecture de La confusion qui s’installe