Alain Benajam, conspirationniste halluciné dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, donne un point de vue fidèle à son personnage via son compte Facebook sur le mouvement « Nuit Debout ».
On connaît les obsessions délirantes de Benajam et de son mentor Meyssan. Il est donc hilarant mais pas inattendu de les voir s’embourber une fois de plus dans la théorie du complot qui leur sert de grille de lecture unique : l’ineffable Meyssan a d’ailleurs lui-même publié* sur le site de son réseau conspirationniste sa vision de l’événement : « Nuit Debout » serait l’oeuvre, forcément… de la CIA ! La preuve ? L’appel du collectif « Convergences des luttes » faisait référence au printemps arabe, au mouvement du 15M, à la place Tahrir, au parc de Gezi, derrière lesquels Meyssan voit la main… de la CIA ! Au point qu’on pourrait se demander si Meyssan n’est pas lui-même une blague… de la CIA !
Il est intéressant de noter « l’amitié » exprimée par Benajam envers le nationaliste Sylvain Baron, dont le site antifasciste La Horde a révélé les menées grotesques pour infiltrer le mouvement « Nuit Debout ». Le même Sylvain Baron qui a chouiné partout qu’il avait été attaqué au couteau par de méchants « antifas » avant de reconnaître piteusement que le couteau n’était qu’une cigarette électronique ! En fait, il lui avait juste été signifié qu’un nationaliste qui déclare lui-même n’avoir rien à faire de la loi El Khomri et qui ne participe à aucune lutte sociale n’avait rien à faire dans un collectif organisé pour la « Convergence des luttes ».
Benajam, l’ami du nationaliste Tepa de Meta TV (où il vient régulièrement postillonner ses élucubrations), se revendique donc aussi « l’ami » de ce brave Sylvain Baron qui aime à se faire passer pour « de gauche » sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi il vitupère contre « les gauchistes mondialistes qui virent les nationaux des rassemblements ». Il fait là encore référence à Baron, évidemment. On notera au passage la finesse de sa profession de foi nationaliste qui prétend lutter contre le capitalisme sans s’en prendre au patronat et en luttant exclusivement contre la « finance mondialisée » (au nez crochu ?). Conception interclassiste nationaliste typique de l’extrême-droite. Avec un parrainage pareil, qu’il ne refuse pas, le pitre Baron aura du mal à nier appartenir à cette mouvance.
Benajam, décidément très fan du guignol du « 14 juillet » (« révolution » d’opérette lancée en 2015 par la fine fleur confusionniste), prend même la peine de relayer la ridicule lettre que Baron a envoyée à François Ruffin pour se plaindre de la qualité de l’accueil à « Nuit Debout ».
Et d’enfoncer encore le clou :
Par la grâce de Benajam, Baron se voit donc placé sur un podium en compagnie de son ancien gourou de l’UPR, le technocrate Asselineau, ancien conseiller de Pasqua reconverti dans la monomanie anti-européenne (agrémentée d’une petite obsession pour la CIA qui doit bien plaire aussi à Benajam). En compagnie aussi d’un certain général Tauzin, défenseur des génocidaires hutus, militant contre le mariage pour tous et soutien du général Picquemal, arrêté lors de sa participation à une manifestation raciste à Calais. Que du beau linge !
Quant à Baron lui-même, lorsqu’une internaute lui demande sous le post de Benajam : « Sylvain, ça ne te gène pas de laisser dire de la merde pareille sans répondre quoique ce soit ? », il ne trouve à répondre que ça :
Bref, il ne réfute en rien le délire de Meyssan et Benajam sur une « révolution colorée » orchestrée par des « organisations étatsuniennes (autour de Soros) ». Il se contente de faire une classification des axes plus ou moins « noyautés » du mouvement « Nuit Debout ». On en profitera pour alerter les nuitdeboutistes de Lyon, Lille et surtout Toulon, Bordeaux et Toulouse que le nationaliste Baron trouve leur mouvement assez « ouvert », ce qui devrait plutôt les inquiéter et les inciter à la vigilance.
Encore un exemple de la puissance d’analyse de Baron :
Il est cocasse de voir Baron relayer à propos de son éviction de la place de la République un cliché (abondamment repris dans les milieux militants) qui montre un flic se préparant à se faire passer pour un anarcho-syndicaliste lors de la manif parisienne du 9 avril 2016 contre la loi El Khomri, et en tirer non pas la conclusion (évidente) que les flics en civil sont chargés d’infiltrer la manif pour y repérer des individus et/ou y jouer les casseurs (afin de discréditer le mouvement), mais une conclusion complotiste absurde, à propos de « milices » (?) qui auraient « le plus souvent » pour origine des « flics » et qui infiltreraient les réseaux « anarcho-libertaires » (sic). Lesquels flics seraient donc des « traitres ». On nage là dans un parfait scénario conspirationniste d’extrême-droite, dans lequel les antifascistes (en l’occurence simplement la commission « Accueil et Sérénité » de « Nuit Debout ») ne peuvent être que des agents du pouvoir — et dans l’idéal policier d’un fasciste, de tels agents ne peuvent être que des « traîtres ».
Face à ce terrible complot, les confusionnistes et autres cryptofascistes qui papillonnent avec Baron sur la page de Benajam ont une proposition :
Les nuitdeboutistes de République sont donc prévenus : un « maximum d’eurolucides » (sic) pourrait s’inscrire « individuellement sur la liste des prises de parole » pour bourrer le mou des participants avec leurs obsessions. On restera néanmoins confiant dans le fait qu’un « maximum d’eurolucides », ça risque tout de même de se résumer à un Baron et quelques skinheads.
Fin de l’histoire ?
Laissons le dernier mot à l’impayable Etienne Chouard, qui ne pouvait rater cette occasion de nier la lutte sociale en cours pour lui substituer un processus constituant métapolitique et « non-clivant », donc complètement hors-sol et interclassiste :
« C’est précisément cette union populaire massive que les Talibantifas, milices anonymes imposant autoritairement leur police de la pensée à gauche, interdiront toujours, brutalement. Je le constate déjà dans le mouvement Nuit Debout place de la République. »
« Milices », vous avez dit « milices » ? « Talibantifas » (on croirait un calembour de Le Pen) ? Et non pas « frères humains » ? Il faut croire que seuls les fascistes sont désormais les frères humains d’Etienne Chouard. Il a choisi son camp : celui des Baron, Benajam, Soral, etc. qui au-delà de leurs divergences, emploient le même vocabulaire et partagent la même vision complotiste du monde. Le camp de l’extrême-droite antisociale.
Une réflexion sur « Nuit Debout contre Nuit de boue »