Les fascistes et les confusionnistes qui infestent le web et les réseaux sociaux ont de quoi exulter. Non seulement l’apolitisme et le « citoyennisme all inclusive » qui se sont installés en bonne place dans le mouvement « Nuit Debout » leur ont permis de s’incruster dans des luttes sociales auxquelles ils n’ont jamais pris aucune part, mais ils viennent de recevoir une aide inattendue de la part d’un groupe « antifa ». En effet, dans un très indigeste dossier publié sur un site hébergé sur « antifa.net », Les Enragé-e-s, associés à Veille Extrême, Soliran Paris et Confusionnisme.info, s’efforcent, sous prétexte de s’attaquer à une prétendue « galaxie citoyenniste », de mettre dans le même sac des figures ou organisations de gauche aussi diverses que François Ruffin, Frédéric Lordon, Julien Bayou, Acrimed, Pierre Carles, Ballast, Usul, Bernard Friot, Franck Lepage, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Filoche, le couple Pinçon-Charlot, Hervé Kempf, Fakir, Julien Salingue, Eric Hazan, Julien Coupat… et des confusionnistes comme Etienne Chouard, voire des fascistes comme Alain Soral ! La parodie d’affiche qui annonce ce bal de la confusion trouve même le moyen d’inclure Marine Le Pen. En fait, c’est l’intégralité de la gauche opposée au gouvernement Hollande-Valls-Macron qui se retrouve ici amalgamée à l’extrême-droite.
Nous avions déjà analysé dans un précédent article, « La confusion qui s’installe« , les travers de certains « antifas », notamment Ornella Guyet (et son site Confusionnisme.info), travers qui sont perpétués et exacerbés dans ce pesant pensum auquel elle a contribué : soupçon généralisé, amalgames outranciers, pensée « maraboutdficelle » et surtout une confusion fâcheuse entre, d’un côté, une prise de parti (qui peut être légitime) dans les conflits internes à la gauche, et de l’autre, la lutte antifasciste qui, sans sombrer dans un front uni à tout crin, nécessite tout de même face à l’ennemi commun qu’on mette un peu au second plan les querelles de chapelle. Nous écrivions par exemple — et nous n’en retranchons pas un mot :
« Chaque tenant d’une des options de gauche ne peut d’autorité expulser les autres vers un outre-monde fasciste, cryptofasciste, protofasciste ou postfasciste (cela s’est déjà vu, bien sûr, mais une telle attitude n’évoque pas les heures les plus glorieuses de la gauche et du mouvement ouvrier).
A l’heure où l’extrême-droite gagne du terrain partout en Europe, notamment grâce à des stratégies confusionnistes qui brouillent à dessein le clivage gauche-droite — afin de capter la colère sociale et de repeindre des bourgeois réactionnaires en révolutionnaires anti-système — il n’est certes pas question de taire les clivages internes à la gauche, mais il convient assurément de ne pas ajouter de la confusion à la lutte contre le confusionnisme.
A propos de leur dossier, les Enragés & co écrivent : « nous espérons (…) qu’il puisse permettre d’aider à démasquer et à désarmer durablement ce nuage qui joue clairement, quoiqu’il puisse prétendre du [sic] contraire, dans le camp d’un ordre vertical, du Capital, des partis et de l’Etat ». Or, il a toujours existé dans la gauche anticapitaliste différents courants s’affrontant sur la question de l’organisation (parti de masse, parti d’avant-garde, mouvement, autonomie, spontanéisme…) et de l’Etat (à conquérir, à subvertir, à transformer, à faire dépérir, à combattre, à détruire, à ignorer…). Rejeter dans le camp du Capital la gauche pourtant anticapitaliste qui prétend conquérir l’Etat (légalement ou pas) en s’appuyant sur une certaine verticalité de parti(s) (et qui ne prétend nullement « le contraire ») est une outrance qui peut se concevoir lorsqu’elle est émise dans le cadre d’une lutte pour l’hégémonie interne à la gauche ; mais cela devient franchement problématique lorsque cette critique se drape dans les oripeaux de l’antifascisme et rejette des camarades dans les limbes du fascisme ou de ses instruments confusionnistes sous prétexte d’une divergence de stratégie. L’Observatoire des réseaux ne compte en ses rangs aucun membre du Parti dit Socialiste. Pourtant, il ne nous viendrait pas à l’idée de classer par exemple un socialiste comme Gérard Filoche (dont nous critiquons néanmoins la stratégie) dans une « galaxie citoyenniste » qui comprendrait des personnalités d’extrême-droite comme Soral, Dieudonné ou l’héritière Le Pen, avec qui il n’a rien de commun. Nous considérons que les Enragé-e-s et les autres co-auteurs de ce dossier se trompent lourdement de méthode et ne font qu’ajouter de la confusion à la confusion. A l’heure où une lutte sociale (contre la loi El Khomri) trouve péniblement et fragilement à converger avec d’autres luttes et d’autres formes d’action, par-delà les pesanteurs syndicales, l’urgence est-elle à torpiller tous les acteurs — quoi qu’on pense de chacun d’entre eux — de ce mouvement, le plus important mouvement social qu’on ait vu en France depuis six ans ?
Ce qui est dramatique, c’est que désormais, tout confusionniste spécialiste de l’incruste (du type de Sylvain Baron, le royaliste nationaliste, ou des envoyés très spéciaux du Cercle des Volontaires), qui se fera comme de juste éconduire d’une lutte sociale à laquelle il n’a rien de bon à apporter, pourra se défendre, article des Enragé-e-s à l’appui, en disant qu’il est dans le même camp que Ruffin, Lordon, Mélenchon, Filoche et même la CNT, et se poser en victime de méchants « antifas » sectaires ennemis de la liberté d’expression et de tout ce qui ne leur ressemble pas. Beaucoup de militants peu informés risquent de s’y laisser prendre. Des années de décryptage des stratégies d’entrisme et de propagande virale de l’extrême-droite risquent également d’être décrédibilisées. C’est pourquoi nous nous devons d’affirmer que nous rejetons cette confusion qui s’étale (comme le font d’ailleurs aussi des groupes « antifas »), et que malgré ce cadeau qui vient de leur être fait, les activistes d’extrême-droite qui utilisent les réseaux pour renforcer leur hégémonie culturelle se heurteront encore à l’avenir à notre vigilance sans pouvoir marquer nos analyses d’un sceau d’infâmie « antifa ». Nous sommes antifascistes, et nous appartenons à différentes organisations ou sensibilités politiques qui peuvent être antagonistes ou adversaires mais qui ne se considèrent pas pour autant les unes les autres comme fascistes. Ce travers n’est pas le nôtre. No pasaran !
NB : Illustration d’en-tête empruntée au Tampographe sardon
Bravo pour cette salvatrice mise au point.
Par contre, attendez-vous à être vous-même agglomérés à la bande de « crypto-fachistes » que dénoncent Les Enragés. Ca arrive très vite quand on a le malheur d’être en désaccord avec eux.
Très bonne mise au point en effet, elle était nécessaire.
Aux torrents d’insultes d’O. Guyet et des Enragés concernant Nuit Debout et le mouvement « citoyenniste », je préfère de loin cette critique sans concession mais « respectueuse »:
(De quoi le citoyennisme est-il le nom? débat animé par A. L. Montpellier)
Bravo, j’aimerais ajouter la proximité des ces enragés avec les forces gouvernementales d’oppression — et sans faire les amalgames douteux et maraboutficellequi sont leur marque de fabrique — que leurs poncifs ont été élaborés dans les officines appelées « Think tank » du genre « fondation Jean Jaurés » du parti étatique PS — gestionnaire d’état capitaliste, colonialiste, pilleur de planète, gestionnaire de massacres guerriers, etc. — ou bien encore « Terra Nova » qui nous a pondu les dernières loi 49-3, et ils fonctionnent tous en réseau se renvoyant la baballe — chacun étant l’expert invité de l’autre, les derniers en date étant la vigoureuse et injuste critique de « Quartier Libre » contre le P.I.R. reprise en boucle dans les médias des milliardaires style « L’immonde » ou « L’aberration » — (fourest, reichstagt permanent appointé du PS et de « Jean Jaurès », guyet, antifas divers, etc… jusqu’au guerrier féroce BHL) voilà…